[PV Risky Luck] A la lumière d'un jour naissant.[Terminé]

L'hiver avait emmené sur son passage des brises glaciales qui torturaient encore une fois les pauvres sans toit. La neige avait couvert les dalles de la ville d'un magnifique manteau d'ivoire hélas chaque matin, les passants détruisaient son oeuvre en laissant dans leur sillage des empruntes de pas. Le soleil se levait à peine à l'horizon et les différentes façades empêchaient la lumière du jour de pénétrer dans les ruelles les plus étroites de Canterlot. Seul les ténèbres accueillaient le cœur de ceux qui osés sortir dans ce froid hivernale. Risky Luck telle une reine solitaire, avançait par de petits pas dans les rues de la grande ville. Le visage impassible, sa robe de feu était enseveli sous son épais manteau qui la protégeait de la basse température.

A cette heure-ci, Luna était sûrement allée dormir tandis que la grande Celestia faisait se mouvoir l'orbe de lumière dans le ciel métallique. La Duchesse s'arrêta. Le nez pointé vers l'astre qui les surplombaient tous, elle se plongea dans ses pensées. Elle n'aimait pas cette période de la journée. Elle n'aimait aucune période du jour. Elle regardait les heures, les minutes et même les secondes s'écouler avec une certaine lassitude, comme si chaque lendemain serait identique à l'ancien. Doucement, elle reprit sa marche, ses bruits de pas étouffés par la neige sous ses sabots.

Une mèche blanche glissa le long de sa joue mais elle ne prit pas la peine de la rejeter en arrière. Depuis quand s'était-elle à se point flétrie ? La magnifique rose qu'elle avait jadis était, avait fini par perdre ses pétales jusqu'à ne devenir qu'une simple souche de ronce. Pourtant, contrairement à ce que certains semblaient penser, elle n'en était nullement attristée. Sa situation lui convenait pleinement. La jument aimait son travail, bien qu'elle aurait également aimée avoir la possibilité de traquer les scélérats. Attendre sur son siège qu'on lui amène les criminels n'était pas une chose qu'elle appréciait spécialement.

Comme à l'accoutumée à cette heure de la matinée, les rues étaient désertes. L'Alicorne s'arrêtait de temps à autre à divers croisements pour contempler de ses yeux sanguinaires les différentes voies à emprunter, mais c'était avec un certain détachement que ses pas la guidée d'eux même. Puis, comme si le temps venait de reprendre le cours normal des choses, une âme en rencontra une autre. Face à elle, au bout de cette rue entourées par les maisons, une dragonne marchait d'un pas rapide. Cette dragonne, Risky Luck savait qui elle était. Elle plissa les yeux, s'évaporant comme neige au soleil d'un battement de cil pour venir se blottir contre un mur et disparaître ainsi de la vision de cette vile créature. Certaine de ne pas avoir été vue, la Duchesse déploya ses ailes et prit son envole, aussi silencieuse d'un papillon.

Elle se posa sur un toit pour contempler au loin son ennemie qui se dirigeait avec grande hâte jusqu'à un lieu inconnu. Sa maison ? Un repaire de criminel ? Ça, la grande juge ne pouvait le savoir et c'est pourquoi elle prit l'initiative de la suivre du regard et de se promener sur les toits, à l'abri d'un champ de vision. Ses pensées défilèrent à toute allure dans son esprit, lui faisant réfléchir à toutes les possibilités qui entourés la jeune Tetra. Ce fut au bout de quelques minutes qu'elle posa ses yeux sur la sacoche accrochée à sa taille. Cette poche qui se balançait de droite à gauche avec flemme attirait toute son attention et bientôt, la paranoïa emporta l'esprit de la noble qui déploya une fois de plus ses ailes d'ébènes pour quitter le toit sur lequel elle était posée.

Dès que sa cible tourna dans une ruelle, elle vint se poser face à elle pour lui barrer la route. Avec toute sa grâce royale, elle garda la tête bien haute, ses prunelles brillant d'une lueur hautaine et impartiale. Seule la justice guidait ses actes. Brusquement, elle rabattit ses ailes contre son dos et sous son manteau. Les vagues de sa crinière cachait une partie de son visage et afin de parfaitement contempler sa future interlocutrice, elle la rejeta en arrière d'un mouvement de tête.

- Pourquoi donc te hâtes-tu, Dragonne ? As-tu quelque chose à te reprocher ?

Et sans attendre sa réponse, elle s'avança vers elle d'une démarche souveraine jusqu'à s'arrêter à quelques centimètres face à elle. Nulle crainte, la magicienne semblait être confiante en ses capacités. D'un mouvement de son aile droite, elle montra la sacoche, reprenant d'une voix forte.

- Que contient ce sac ?

Tout en cette dragonne fut analysé. De son glapissement jusqu'au pas en arrière, la chasseuse contemplait sa proie d'un œil de vipère. Il ne manquait qu'à la duchesse des crocs acérés pour siffler de dangerosité, menaçant ainsi son interlocuteur avec un venin quasi mortel. La neige enveloppait la ruelle et les murs grisâtres étaient si peu accueillent que le moindre brigand qui aurait osé s'aventurer en ces lieux aurait fuit la queue entre les jambes en trouvant la juge ici présente. Et que ferait cette diablesse face à elle ? Allait-elle fuir ? Allait-elle clamer son innocence ou l'acheter avec quelques pièces d'or ? Cette idée même répugnait l'alicorne fauve qui resta de marbre en attendant le verdict. Elle n'avait que peu de patience dans ce genre de situation.

Mais sa rivale qui avait fourni une piètre d'image d'elle, sembla se requinquer sans la moindre explication. Son regard misérable vint s'emplir d'une assurance passagère et elle releva la tête avec tant d'aplomb que Risky Luck aurait pu se demander si la crainte perçu sur ses traits n'était pas dû à son imagination. Mais la puissante avait apprit au fil des années que chaque détail avait son importance et si la terreur avait caressé du bout des griffes la dragonne... Alors il y avait forcément une raison. Une raison minime, c'était fort possible. Un vol à l'arraché datant d'il y a plusieurs années, ou la possession d'un bien illégal... Et la jument optait pour cette deuxième solution. La raison ? Ce geste sur ce sac. Le reptile l'avait caché derrière elle, montrant les dents afin d'éviter qu'une curiosité malvenue dicte sa conduite à la duchesse... Mais c'était cette simple précaution qui venait de causer sa perte. Et cette pique provocatrice n'eut pour don que d'irriter un peu plus la noble qui perdait patience.

- Silence Dragonne !

Répondit l'alicorne d'un ton brusque en ouvrant grand ses ailes d'un noir charbonneux, révélant un aspect plein de noblesse dans cet acte d'intimidation. L'un de ses sabots avant frappa contre la neige et ses yeux couleur sang semblaient brûler d'amertume. Prenant garde à ne pas subir un excès de colère, elle se racla la gorge et rabattit son plumage contre son dos. Elle inspira profondément avant de souffler, ses paupières se fermant délicatement. Quelques secondes après, lorsqu'elle les rouvrit... Un calme olympien avait regagné ses iris.

- Je ne tolérerais aucune provocation ou manque de respect à mon égard. Je connais ta réputation dragonne, un mot de ma part et je pourrais t'enfermer le temps que ta boutique soit examinée par de puissants mages.

Malheureusement, Risky Luck ne le pouvait pas vraiment, pas pour le moment du moins. Car jamais encore elle n'avait trouvé l'emplacement de cette fameuse boutique. Elle avait connaissance de son existence, mais ses acolytes étaient incapables de lui définir l'emplacement exact. Bien évidemment, le reptile n'avait pas besoin de le savoir ça. Et ainsi, l'alicorne reprit de plus bel, d'une voix plus calme mais autoritaire.

- J'exige de voir le contenu de ce sac.

Un coup d’œil sur la gauche. Simple geste de quelques secondes mais qui éveilla chacun des sens de l'alicorne qui sentit ses muscles se bander les uns après les autres. Un regard fuyant, semblant analyser chaque recoin de la ruelle. Dans quel but exactement ? Ça, le fauve n'aurait pu le déterminer. Attaque ou fuite, l'un des deux actes serait plus grave que l'autre certes, mais au moins il prouverait qu'elle n'avait pas eu tort d'arrêter sa course. Tandis que le silence s'installer entre les deux femmes, le temps semblait se figer, les aiguilles des montres se faisaient plus lentes, comme si ces dernières retenaient leur souffle en attendant le fin mot de cette histoire. Et Risky Luck n'allait pas tarder à bondir.

Jusqu'à ce que son ennemie réponde enfin dans un soupire qui sembla gêné. La jument releva bien haut la tête en l'écoutant, n'appréciant pas non plus cette remarque qu'elle perçut comme accusatrice. Est-ce que, parce qu'un pauvre ne pouvait pas se payer un manteau, elle devait s'infliger le même traitement ? Mais elle, madame, elle travaillait d'arrache sabot, tout les jours ! Elle n'avait que peu de repos, elle n'avait pas de vie de famille, elle n'avait rien à côté à part son métier ! Ne pouvait-elle donc pas se permettre de prendre soin de son apparence en retour, pour tout ce qu'elle faisait pour le peuple, pour les honnêtes citoyens qui eux, n'avaient rien à se reprocher ?!

Alors de nouveau, elle ouvrit ses ailes mais cette fois-ci, ce fut dans un cri qu'elle s'adressa à la rebelle, la foudroyant d'un regard meurtrier.

- Je ne me répéterais pas ! Si tel est la vérité, si tu vaut mieux qu'un de ces moins que rien de criminel, alors tu n'auras aucune difficulté à me montrer ce que tu caches !

Sa corne sembla s'illuminer sur la pointe et bientôt, une douce chaleur s'échappa de cette dernirèe pour remplir la ruelle. Douce chaleur qui devint bientôt oppressante, étouffante. La neige autour d'elles devint liquide, souffrant de la magie de l'alicorne qui ne tentait pas de réchauffer son interlocutrice, mais qui tentait plutôt de s'empêcher de faire éclater un brasier ardent. Et elle reprit dans un hurlement.

- Maintenant obéis, vipère !

Jamais la juge n'aurait traité un citoyen ainsi en temps normal... Mais à force de lui tenir tête et de ne point vouloir dévoiler sa possession, Tetra allait finir en bien mauvaise posture.

Alors enfin le moment fut venu... Ce moment durant lequel la dénommée Tetra osa lui montrer le contenu de son sac. Mais contrairement aux attentes de la jument, il n'eut aucune délicatesse. En voyant le sac voler, elle s'était presque attendu à le recevoir en plein visage, mais par chance, la dragonne était suffisamment intelligente pour ne point lui faire cet affront. Lorsqu'il entra en contact avec le sol, ce qu'elle cachait s'étala misérablement contre les pavets de la ruelle, dégageant des papiers de cuisine une odeur nauséabonde. Cette odeur de viande fraîche était insupportable pour la juge et si cette situation s'était produite quelques années auparavant, elle aurait sûrement pu tourner de l'oeil.

Mais avec le temps, le fauve avait mûri. Elle avait apprit certaines choses de la vie, elle avait prit garde à ne pas s'offusquer de la moindre bizarrerie qu'elle aurait croisé. Aussi, elle resta donc immobile, regardant cette chair fraîche dont le jus avait légèrement imbibé son papier. Comme elle s'y attendait, Risky Luck dû écouter ces même mots qu'on lui répétait sans cesse. Un cœur de pierre. Combien de fois l'avait-elle entendu au juste ? Peut-être qu'au départ, elle en avait été attristée, touchée. Elle même s'était vu défaillir peu à peu dans le miroir jusqu'à ne devenir plus que l'ombre de son passé. L'alicorne avait senti son cœur se compresser au fur et à mesure de sa déchéance mais aujourd'hui... Étrangement, elle ne ressentait plus rien à ces "insultes". Elle connaissait la mélodie par cœur. Mais elle laissa la forgeuse se défouler à travers ses mots, l'écoutant sans broncher.

Une fois qu'elle eut fini, contrairement à ce qu'on aurait pu s'attendre de la duchesse, elle usa de sa magie pour remettre les morceaux de viande dans la sacoche. Avec ses pouvoirs, elle la fit léviter jusqu'à remettre le bien entre les pattes de son propriétaire. Ses ailes se replièrent calmement contre son dos et ce qui semblait être de la colère dans ses yeux redevint aussi limpide qu'un lac introublé.

- Je me fiche de connaître ton opinion à mon égard, dragonne. Mon travail est de punir le crime, pas d'avoir de bons sentiments.

Elle s'approcha d'elle d'une démarche plus sereine, sa corne s'était totalement éteinte du moindre morceau de magie. La noble n'avait pas tiqué au contact de la chair, elle était resté aussi impassible qu'à l'accoutumé... Et pas le moindre dégoût à l'horizon, car son travail n'était pas de mettre un misérable dans une situation telle qu'il se sentirait plus misérable encore.

- Ton geste était idiot. Au final tu ne fais que satisfaire ta colère, mais tu es la seule à en payer le prix. Ce que tu as jeté est ta nourriture, alors ne la salis pas en la jetant dans une ruelle aussi sale que celle-ci.

Mais elle ne s'arrêta pas là, car comme elle l'avait dit plus tôt, son travail n'était pas de jouer les gentilles juments. Elle reprit donc avec une certaine autorité.

- De quel animal provient cette viande ?

Lorsque Risky Luck désirait quelque chose... Elle l'obtenait. La vérité était capricieuse, mais elle finissait bien souvent par se montrer à force d'être flattée. En analysant le comportement de la dragonne... La jument n'eut pas même besoin d'utiliser sa magie de détection pour savoir si elle disait la vérité, car elle la croyait. Son ennemie potentielle n'aurait pas été si stupide si cela avait été un mensonge, car en agissant comme elle l'avait fait précédemment, les charges auraient été plus lourdes encore contre elle. Ainsi son travail s'achevait et alors que la juge s'apprêtait à rétorquer une remarque cinglante avant de s'envoler... Les mots de la jeune fille eurent raison d'elle.

Ainsi elle resta immobile, à fixer l'apparence bipède qui se tenait face à elle. Son regard se perdit dans ses pensées, dans ce qu'elle croyait juste ou non. Raison ou tort, là était la question... Peut-être que l'alicorne n'était pas totalement en désaccord avec la reptile, mais jamais, Ô grand jamais, elle ne le lui aurait confié. Confier quelque chose à cet être sans importance à sa vie ? Pourquoi le ferait-elle après tout. Si une princesse ou un prince lui demandait la vérité, elle se devrait de la lui servir avec soumission, comme la loi l'exigée... Mais elle n'avait aucun compte à rendre à son interlocutrice. Elle inspira donc en relevant la tête bien haute, froide et strict, l'esprit impénétrable.

- Vous n'êtes pas la plus malheureuse mademoiselle et sachez que lorsqu'on désire réellement s'en sortir... On peut le faire sans devenir un criminel. La loi permet de protéger les honnêtes citoyens des bandits et des truands. Peut-être aurais-je pu vous écouter ou me remettre en cause... Si vous étiez blanche comme la neige.

Et malgré son dégoût pour la viande, elle abattit son sabot sur la tâche de sang en baissant les yeux sur celles toujours visibles. En un sens, elle écrasait le mal, elle écrasait celle qui lui tenait des propos utopiques alors qu'elle aime avait une part de responsabilité dans l'injustice.

- Hélas, vous êtes comme cette neige. Vous êtes souillée. Essayez donc d'épargner le peu d'âme qui vous reste.

Et sur ces mots, elle tourna les talons et commença à s'éloigner. Mais d'une voix plus forte et pourtant toujours aussi calme, elle reprit.

- Faîtes en sorte que la prochaine fois, ce soit toujours de la viande bovine.

Et Risky Luck, la duchesse de Canterlot, prit son envol sans autre forme de procès et disparut dans le paysage, laissant l'être humiliée seule dans la poudreuse.